Se faire à une autre vie
Depuis une semaine, je suis une mère séparée avec deux enfants. Ce soir, leur père vient les chercher pour un premier week-end en alternance, le reste de la semaine, ils sont avec moi. Par moment, j'ai la sensation de vivre une situation qui confine au surréalisme. Mais vite, je me rends compte que je l'ai voulue et qu'elle me correspond.
Je vais étrangement bien, mon entourage me scrute comme un être en sursis, se demandant quand je vais flancher. Je tiens le cap que je me suis fixée, je ne me retourne pas. Pas une personne de mon entourage, mes amis, ma famille, nos amis, sa famille, ne me blâme, ne me condamne. Ma décision a mûri en moi depuis des mois. Il aura fallu une psychanalyse et un réveil en sursaut pour me rendre compte que j'acceptais l'inacceptable. Il a fallu que j'en parle à une copine pour qu'elle me dise qu'à 38 ans, on n'avait pas le droit de n'être qu'une mère et une partenaire intellectuelle. Que l'on avait le droit d'accéder à autre chose, que 10 ans de cette vie sans féminité, cela était assez. J'ai donc repris ma vie en main, j'ai décidé d'exister, de redonner de la place à mon corps, à ma volonté, à mes désirs.
J'avais assez alerté, assez dit que la vie que l'on m'offrait ne me convenait pas. J'avais refusé d'entamer d'autres travaux dans le gîte qui auraient encore une fois repoussé le moment de la prise de décision. J'avais donné sa chance à notre couple, je n'avais pas été entendue, pas prise au sérieux. Parce que j'étais cette jeune femme un peu coincée, pas bien dans sa peau, cela mettait à l'abri de bien des choses. Je ne faisais pas peur, j'étais la stabilité incarnée, la prudence, la raison. Mais, la raison, c'est elle que j'applique aujourd'hui. J'adviens.
La semaine dernière, j'ai rencontré celle qui sera mon avocate. Premiers regards extérieurs, sans affect, sur ce qui a été ma vie et j'en suis ressortie, vivante. Enfin, on mettait des mots sur une réalité que je prenais pour la normalité. On me disait que je pouvais dire non à cela pour aller vers autre chose. Mes épaules se sont allégées, j'étais prête à parler à mes enfants. C'est chose faite, entourée par leurs psy, oui, chez nous, presque tout le monde va chez le psy... presque... Ils vont bien, étonnament bien, selon ce que l'on me dit. Nous avons trouvé nos marques à la maison, c'est une organisation mais il y a une légèreté dans ce que nous vivons. Je tiens, je suis sûre et certaine de ne pas me tromper.