De l'inégalité entre les hommes
Depuis quelques semaines, je fais le tour des popotes, c'est le cas de le dire, avec un collègue de la Chambre d'agriculture et des élus pour vendre un projet de vente directe de produits agricoles en direction de la restauration hors domicile. La cible principale est, en première intention, les établissements scolaires, parce que, par nature, ils ont une "clientèle" captive et peuvent donc s'engager sur un projet de longue haleine, demandant persévérance. Il faudra en passer par des tests grandeur nature pour déceler si les producteurs tiennent la route, si les prix sont concurrentiels et si les produits correspondent aux attentes.
J'ai donc visité deux collèges et un lycée. Expérience intéressante au possible. Il y a tant à dire. Des principes aberrants : les moyens en personnel technique (de cantine et de nettoyage) sont affectés en fonction de la surface de l'établissement et non du nombre d'élèves. Alors autant cela peut se comprendre pour les sols à récurer mais alors pour les repas à servir, franchement, c'est incompréhensible.
On atteint vite le comble de l'inégalité entre les enfants. Deux collèges, dans la même ville. Le premier : un chef de cuisine, motivé et volontaire qui ne traite que des produits bruts : légumes, viandes, fromages, même le pain. Pour l'autre, un chef de cuisine visiblement dépassé ou sans envie, qui ne travaille que des produits surgelés sauf les salades (oui, ça n'existe pas !), qui se retranche par exemple derrière la réglementation pour refuser tout ce qui n'est pas du fromage en portion individuelle. Alors que le premier met à disposition des tomes direct producteur.
Et le "chef de cuisine sans envie" relayé par sa principale, explique que de toutes manières, les enfants s'en moquent de ce qu'on leur donne, c'est tout pareil pour eux. Voyez, même si c'est vrai que ce travail d'éducation du goût est difficile, voire ingrat, je me dis que ce mec était en train de parler des enfants comme d'une marchandise, un peu comme dans un élevage industriel. J'ai rarement eu un sentiment d'amertume, voire de dégoût en écoutant un professionnel parler.
Une légumerie (c'est le lieu où l'on épluche les légumes), ils en ont une mais pas le temps. Comment expliquer que dans l'autre collège, normalement doté de la même manière, le chef de cuisine pèle les patates, parce qu'une patate locale coûte 2,5 fois moins chère que son équivalente arrivée tranchée et surgelée ? Le pain, c'est pareil, en un an, il est parvenu à faire apprécier ce mets par les enfants qui en redemandent et ne le jettent plus. Les enfants raffolent de sa daube. Il pousse même le vice jusqu'à fabriquer ses propres hamburgers !
Le pire est que le prix de revient est quasiment identique à 0,2 cts près pour deux manières diamétralement opposées de travailler (1,9 contre 2,10 euros par repas, coût marchandises, on ne compte pas le personnel).
J'ai découvert qu'à travers ce projet agricole, on a ouvert la boite de pandore de la restauration scolaire. Sujet passionnant sur lequel je reviendrai parce qu'il y a tant à dire et à faire aussi ! Et vous, parents, posez les bonnes questions. Souvent dans les établissements, il est compliqué de se mêler de pédagogie, alors, allez-y sur la restauration, c'est permis... et même conseillé ! Et c'est aussi de l'éducation et beaucoup de citoyenneté.